Voir la grimpe au-delà du handicap

Voir la grimpe au-delà du handicap

Une personne, une histoire

Voir la grimpe au-delà du handicap

Aveugle et malentendant, Roland Lugon-Moulin n’en pratique pas moins assidûment l’escalade. Ce Lensard d’adoption parvient à garder le cap sur le rocher comme dans sa vie.

Stabilité, ténacité, tranquillité : les qualités qui transparaissent chez Roland Lugon-Moulin semblent directement provenir de la montagne qui l’a vu naître. Un caractère forgé aussi au fil des épreuves pour ce Lensard d’adoption, originaire de Finhaut et arrivé sur le Haut-Plateau en tant que professeur de ski, il y a une trentaine d’années.

« Je suis très malentendant depuis ma petite enfance, explique-t-il. Et mon audition se dégrade. Une maladie, la rétinite pigmentaire, m’a ensuite fait perdre la vue en quelques années, vers mes trente ans. » Le quotidien de ce père de deux enfants se trouve bouleversé, son amour de la montagne s’émousse... « Quand je suis devenu aveugle, je m’en suis éloigné. J’ai cessé le ski et le vélo. Mais physiquement et mentalement, c’était dur de ne rien faire. »

Pas de quoi abattre ce Valaisan au fort caractère. « Je suis une tête de mule, ça aide à ne pas lâcher, sourit-il. Mon premier handicap m’a aussi forgé le mental, puis le fait d’avoir des enfants m’a fait avancer. » 

Il y a environ six ans, motivé par des amis, Roland se remet à fréquenter « le caillou ». Comprenez les murs d’escalade sur lesquels il s’était aventuré adolescent. Cette redécouverte se révèle salutaire. « Je me suis rendu compte que la grimpe m’apportait tout. Physiquement, cela me maintient en forme. Mentalement, c’est exigeant, surtout depuis que je commence à grimper en tête de cordée. Et socialement, je vis de beaux partages avec les personnes qui m’accompagnent. »

QUESTION DE CONFIANCE

En effet, si elle évoque un face-à-face solitaire entre l’homme et la nature, l’escalade est avant tout un sport d’équipe. La personne qui assure reste en contact permanent avec celle qui grimpe. Pour Roland, les défis se succèdent.

« Parfois, je demande des infos sur le site et la voie que l’on va faire, parfois non. Je me retrouve alors au pied du caillou, totalement libre, et je me débrouille ! » Dans tous les cas, son sens le plus sollicité reste le toucher. « Je tâtonne, je balaye la paroi avec mes mains, à la recherche d’indices pouvant m’indiquer le chemin à suivre, comme des fissures. Les autres peuvent voir la prochaine prise ou anticiper. Moi, non, rappelle Roland. Je monte très lentement, comme un tracteur ! » Ses efforts lui demandent énormément de force. « Pour celui qui assure, il faut beaucoup de patience », ajoute-t-il.

Bien qu’ayant la sensation du vide, le sportif n’est pas sujet au vertige. Son double handicap lui  pause toutefois d’autres problèmes. « Au bout de quelques mètres, la situation se corse. Je n’entends plus ce que l’on me dit. » Il compte alors sur son instinct. Si parfois il se fait peur, il dit ne pas être pour autant un casse-cou. Un but lui tient à cœur : aller toujours plus haut ! « Je me fixe des objectifs de niveau, cela m’oblige à pratiquer régulièrement. J’aimerais atteindre 100 à 150 mètres de hauteur, contre 20 à 40 aujourd’hui. » Pour Roland Lugon-Moulin, repousser les limites se traduit en deux mots : liberté et autonomie.

Légende photo : Roland Lugon-Moulin s’entraîne en salle, notamment à la Moubra, mais il aime surtout grimper en plein air comme à Dorénaz, Arbaz, Arolla et dans le Haut-Valais. © Luciano Miglionico



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