À l’ère de la transhumance

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À l’ère de la transhumance

Bergers à Mollens, Claire et Damien Jeannerat exercent un métier d’antan qui retrouve une actualité en ces temps où la protection de la nature et des biotopes devient vitale. L’herbe de la région ne suffit pas pour nourrir un troupeau de 500 moutons et 150 chèvres. L’été, il faut rejoindre les alpages.

«On vit un peu comme des gitans… mais une vie tellement belle dans la nature et la liberté », s’exclame Damien Jeannerat. Jurassien d’origine, il s’est installé, enfant, sur le Haut-Plateau. Il exerce d’abord le métier de professeur de ski et de paysagiste. L’ancienne Commune de Mollens l’engage pour la fauche des prés. Un jour, il se dit que les moutons sont capables de faire le travail et de façon bien plus efficace. « Lorsqu’il m’en a amené vingt à la maison, j’ai été un peu surprise ! », explique Claire, sa femme anglaise, alors collaboratrice à l’École des Roches. C’est le déclic ! Le point de départ d’une vocation de bergers. En 2011, ils installent leur troupeau dans une ancienne écurie, avant de rénover la ferme des Clévettes, près de Mollens.

Le couple de bergers pratique la transhumance, renouant avec une très ancienne pratique pastorale. Visite sur les alpages de Vercorin. L’accueil est vibrant de la part de Adès, le Border Collie et Picola, le mouton noir. « Ce sont les mascottes de la famille », sourit Damien qui déménageait son troupeau ce jour-là. Il faut changer d’emplacement tous les trois ou quatre jours pour offrir de la bonne herbe aux brebis et agneaux.

LES CHIENS : LES VRAIS BERGERS

Le troupeau est protégé par des Bergers des Abruzzes. « Dès leur naissance, ces chiens vivent en symbiose avec les brebis dont ils assurent la défense instinctivement. Ce sont eux les vrais bergers », souligne l’éleveur qui est aussi formateur du Programme fédéral de chiens de protection. Les former est une tâche exigeante. Ils sont accompagnés durant quinze mois et doivent passer un test officiel pour pouvoir travailler en autonomie sur les alpages.

Avec la multiplication des grands prédateurs (loups, lynx, ours…) l’avenir de l’estivage du bétail en montagne passe par des protections. On compte au moins 70 loups en Valais et une dizaine rôdent dans la région d’Anniviers. Un million de francs a été budgétisé par le Canton pour différentes mesures. Il y a aussi les civilistes bénévoles qui veillent la nuit, aux côtés des moutons. Une façon de vivre une expérience originale et utile.

Cette solution, lancée par l’Organisation pour la protection des alpages (OPPAL) connaît un franc succès (200 personnes déjà inscrites) ! « C’est un bon projet. Mais la solution la plus sûre et la plus durable, ce sont les chiens qui réduisent fortement les pertes », de l’avis de Damien Jeannerat qui cite les Abruzzes où la coexistence entre tourisme et troupeaux est exemplaire. Mais pour cela, il faut accepter quelques règles (cf. encadré).

ATELIERS DE PARTAGE

La ferme des Clévettes abrite également des chèvres qui, elles, sont plutôt le domaine de Claire. Au printemps, nos bergers pâturent et fauchent les quelque 65 hectares de prés de la région. Puis on transhume. Les chèvres montent vers la Montagnette sous la Plaine Morte. « J’adore mes chèvres, mais je dois avoir l’œil sur elles… ce qui n’est pas toujours facile. Une fois, j’ai dû aller les récupérer à près de
3000 mètres d’altitude. »

Le métier de berger laisse peu de loisirs. Mais c’est une vie simple et saine, proche de la nature, en fraternité avec les animaux. Cet amour des moutons, chèvres et chiens, saute aux yeux du visiteur. Un sifflement, un appel et c’est tout un troupeau qui surgit du fond de la forêt, avec les chiens qui s’activent à guider les bêtes… Spectacle magique qui démontre le savoir-faire et la complicité du berger avec ses protégés.

La vie pastorale renoue avec des valeurs immémoriales que le couple Jeannerat souhaite partager. Il organise des ateliers pour sensibiliser les enfants de notre région à la vie des animaux et de la bergerie. Cet été, Claire emmène familles et gosses sous le Crêt-du-Midi, pour découvrir le troupeau, les chiens et confectionner des tableaux avec la laine des moutons.

Aux côtés des paiements directs versés à l’agriculture de montagne, la famille Jeannerat vit de la vente des agneaux à des particuliers, ce qui contribue aussi à créer des liens entre les consommateurs et les paysans. Les agneaux sont âgés d’une année lorsqu’ils sont vendus. Ayant vécu à l’alpage, ils offrent une viande de meilleure qualité que celle provenant des élevages industriels.

 

  1. Palina a mis bas trois chiots, ravissantes petites boules de poils blancs. Ici dans les bras du berger Damien Jeannerat.

  2. Bel échange : « Nous faisons vivre le troupeau et le troupeau nous fait vivre », affirment Damien et Claire Jeannerat.

  3. D’autres chiens jouent un rôle capital pour les bergers. Ce sont les Border Collies qui guident le troupeau. Les chiens blancs protègent, les autres conduisent : à chacun sa mission.

Légende photo : Les règlements communaux obligent les propriétaires à débroussailler ou faucher leurs parcelles. Un travail que les moutons et les chèvres font admirablement, en broutant des dizaines d’hectares de prés abandonnés. ©Luciano Miglionico

ADOPTEZ LE BON COMPORTEMENT

Le retour des grands prédateurs, comme le loup, exige des mesures pour protéger les animaux. L’un des moyens les plus efficaces est le chien de protection qui vit avec les moutons dont il prend la défense. Mais ces canidés peuvent créer des conflits avec les randonneurs qui passent près des troupeaux. Éleveur de ces chiens, Damien Jeannerat explique le comportement à adopter.
En premier lieu, sachez qu’un panneau vert indique la présence de chiens de protection. Lorsque vous arrivez, ces derniers aboient afin de vous éloigner. Ignorez ces aboiements, restez calme. Marchez lentement. Descendez de votre VTT, poussez-le. Ne provoquez pas l’animal avec des cris ou un bâton ! Dès qu'il a accepté votre présence et que vous vous éloignez, il se calme. Continuez lentement votre chemin. Il est aussi fortement déconseillé d’emmener votre chien de compagnie. « Il faut combattre le préjugé largement répandu que nos chiens sont méchants et dangereux. Il est vrai qu’ils sont imposants, mais une fois correctement sociabilisés, ils font leur job de protection tout en ayant confiance en l’humain », explique l’éleveur de Mollens qui a formé plusieurs dizaines de Bergers des Abruzzes.