
« Je suis un être de contact, pas un ermite ! »
« Je suis un être de contact, pas un ermite ! »
Alexandre Barras officie depuis 2015 à la paroisse de Crans-Montana. Un retour aux origines après de longs ministères à Évolène ou Grône/Granges. Pour lui, aucune journée ou semaine ne ressemble à l’autre. À part trois rendez- vous incontournables, le reste se fixe en fonction des aléas de la station.
Vers midi, à la fin de l’interview dans la cure de Crans-Montana, le curé Alexandre Barras vous sert un verre de… Païen ! Il y a une légère malice dans son œil. Auparavant, sur un petit papier – la partie gauche d’un bulletin de versement – notre homme d’Église a noté recto verso ses activités types dont la majeure partie est… imprévisible ! « J’ai des semaines qui peuvent faire 40 comme 80 heures, ce n’est pas un job régulier… », assure-t-il. Seuls trois rendez-vous s’avèrent gravés dans le marbre. « Au lever, je prie. Cela peut me prendre 20 ou 30 minutes, je confie ma journée au Seigneur. » Puis Alexandre Barras s’impose une partie administrative. « Je réponds aux mails, au courrier. » La réfection de l’église a intensifié ce volet. « J’avais affaire à tous les corps de métier, devais décider quel type de lampe poser, quelle vis employer… Cela a pris beaucoup de temps. Heureusement que je suis fils d’entrepreneur ! » Le dernier point immuable reste bien sûr la célébration de la messe. « Je vois y monter des gens des villages avoisinants, aussi des Italiens. Il y a des sermons que je trouve nuls et où les gens me disent ‹ merci › à la fin. Et d’autres que je trouve super et qui ne rencontrent aucun écho. Je suis un mauvais juge. Je prends ensuite le café avec des fidèles. » Cette partie «Écoute» s’ouvre à n’importe quel moment, avec quelqu’un croisé dans la rue et qui éprouve le besoin de se confier. « Je suis un être de contact, pas un ermite ! Des personnes, qui traversent des périodes de précarité psychologique ou matérielle, ressentent le besoin de parler. Cela peut prendre 5 minutes comme 1 heure et cela fait partie du ministère d’un prêtre. »
UN RÉEL ENGAGEMENT
Dès lors, l’agenda d’Alexandre Barras se construit en mode « freestyle ». Et ce en fonction des événements. Heureux ou pas. « J’ai environ 35 enterrements par année. Je suis là pour le côté ‹ technique ›, mais surtout pour laisser s’exprimer la douleur, apporter des paroles d’espérance. » À l’opposé des départs, Alexandre Barras célèbre des baptêmes. « J’en ai une quinzaine par an… Je vois les familles motivées – pour qui cela représente un réel engagement – et d’autres qui le sont moins ! Comme nous sommes en station, il arrive que des hôtes – qui viennent par exemple de Singapour – en profitent, car c’est le seul moment où toute la famille est réunie. » Dans son cahier des charges, Alexandre Barras coordonne les activités catéchétiques et s’occupe plus particulièrement de la première communion sur le secteur. « Je vois parfois des enfants plus intéressés que leurs parents… » Dans le fil de la semaine, le mariage se fixe quasi immanquablement les samedis. « En 2018, je devrais en avoir 6… Je peux préparer des dossiers – avec les certificats de baptême – pour des cérémonies qui se déroulent ensuite au Portugal, en Italie ou en France.
Après trois rencontres, il y a une préparation à Sion où les futurs époux discutent avec un couple et non plus avec un vieux célibataire encroûté comme moi. » Alexandre Barras s’est aussi imposé une discipline stricte : « Je ne vais plus aux repas de noces. J’ai la crainte, le lendemain, de ne plus être assez frais. »
DES MOMENTS FORTS
Dans sa fonction sociale, le curé rend visite aux personnes âgées. « C’est un contact magnifique qui me permet de découvrir des histoires extraordinaires de vie ou parfois très dures. Ce sont des moments forts, leurs enfants n’ont parfois plus le temps de venir les trouver. Nous vivons dans un monde de fous où il nous faut sans cesse courir. Il devient plus difficile d’aller à leur chevet lorsqu’elles séjournent à l’hôpital, car la loi sur la protection des données empêche, à présent, d’avoir une liste. » Les saisons et l’œcuménisme posent d’autres jalons dans les journées d’Alexandre Barras : les feux de l’Avent, la soupe de carême, les semaines de prière. Et les confessions, « à l’approche des fêtes », restent toujours de mise. « Il y a bien des changements, des remises en question… Et j’ai compté. Je ne suis ‹ que › le septième curé depuis que la paroisse existe. »
Légende photo: Un curé qui ne commence pas sa journée sans un moment de prière. ©Luciano Miglionico
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L'emploi du temps d'un curé « J’ai des journées qui peuvent durer 2 ou 15 heures, j’essaie de prendre congé le lundi… » confie Alexandre Barras.
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La messe À Crans, la messe attire des fidèles des villages avoisinants.
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Les cérémonies Une série de mariages prévus en 2018. Par contre, il y a des années où Alexandre Barras n’en célèbre aucun.
CURE PROTESTANTE : ANTICIPER SUR LE FUTUR
Le 19 novembre 2017, la cure protestante de Crans-Montana célébrait sa rénovation. L’édifice marquait son demi-siècle d’existence, il convenait de le remettre « au goût du jour ». Il ne s’agissait, et de loin, pas que d’un lifting de façade. De l’isolation au chauffage - passé de l’électricité aux gaz - les lieux se mettaient aux normes du XXIe siècle. « Nous avons tout étudié. Nous avons rendu les lieux plus mobiles. Les gros bancs fixes ont été remplacés par des chaises. Nous avons ajouté une petite cuisine, il est ainsi possible de manger au temple. Le tout a été présenté aux communes qui nous ont accordé un soutien financier », témoigne Yves Rochat, président la Commission de construction. Ces travaux assouplissent les structures de jadis et répondent aux nouveaux besoins de la paroisse protestante. « Nous y avons centralisé le bureau du pasteur Jean Biondina et le secrétariat. Une salle de conférences est également à disposition. » Et, surtout, ils anticipent le futur. « D’ici trois ou quatre ans, nous ignorons si nous allons avoir un nouveau pasteur que nous pourrons payer. Il faudrait donc envisager une fusion avec Sierre », observe toujours Yves Rochat.