
Le « workation » peine à décoller
Le « workation » peine à décoller
Mêler télétravail et loisirs alpins, une perspective réjouissante pour toute la région, notamment dans l’idée d’étaler la fréquentation. Intensifiée avec le Covid, la pratique a inspiré la création d’espaces pour les employés nomades. Cinq ans plus tard, le travail flexible séduit surtout indépendants et résidents secondaires.
En vogue depuis que les mesures sanitaires du Covid-19 ont éloigné les employés des bureaux, le modèle du « workation » (contraction des mots anglais work et vacation) a trouvé plusieurs relais à Crans-Montana. Jessica et Lars Christensen ont ouvert le Mavericks, centre de formation sport-santé avec un club de coworking. La chaîne Gotham a suivi avec des locaux modernes, tandis que le café L’Atelier s’est mis à accueillir les laptops entre deux cappuccinos. Cinq ans après la pandémie, force est de constater que la sauce n’a pas pris aussi bien qu’espéré.
Au Mavericks, la partie coworking accueille une douzaine d’abonnés réguliers, avec davantage de demandes pendant la haute saison.
Le coworking ne sera pas le moteur de notre modèle d’affaires, admet Jessica Christensen.
Nous le maintiendrons, car il reflète bien l’état d’esprit de notre démarche, mais nous allons recentrer notre activité sur la formation sport et santé, qui a davantage de succès.» Ouverts en 2022, les locaux de Gotham peinent à trouver leur public malgré les efforts déployés pour créer des partenariats avec les hôtels de la station. Plus accessible, l’idée du travail au bistrot semble porter davantage de fruits. Géraldine Bach, patronne de L’Atelier, offre un forfait de consommations aux travailleurs souhaitant s’installer pour la journée. «En réalité, ils restent rarement plus d’une demi-journée et se contentent de deux ou trois cafés. Mais ces indépendants et travailleurs de passage de la région, dont certains débarquent en funiculaire depuis Sierre, sont devenus des clients fidèles. Ils apprécient l’ambiance conviviale.»
Le «workation» peut pourtant se pratiquer presque partout, dans une chambre d’hôtel comme sur une terrasse d’altitude. Pour la destination, l’intérêt est évident : remplir les débuts de semaine, traditionnellement creux. «Nos hôtes pourraient prolonger leur weekend et commencer leur semaine de travail ici. Mais les habitudes sont tenaces, la plupart d’entre eux prennent congé le vendredi et repartent le dimanche avant midi, de peur des bouchons sur l’A9», constate Jean-Daniel Clivaz, président de Crans-Montana Tourisme & Congrès. Les familles, contraintes par la rentrée scolaire, et les entreprises, qui limitent désormais les jours de télétravail, freinent aussi cette évolution.
La crise sanitaire a bel et bien ramené les citadins à la montagne… mais rarement avec leurs affaires de bureau. À l’exception des indépendants et des entrepreneurs propriétaires d’une résidence secondaire, qui naviguent aisément entre loisirs et business, la plupart des actifs séparent les sphères privée et professionnelle. À terme, le meilleur levier pour conjuguer qualité de vie et emploi reste l’installation durable sur le territoire. Pour l’heure, l’offre de bureaux et de logements annuels demeure insuffisante. Un projet de construction porté par la Commune de Crans-Montana devrait ouvrir de nouvelles perspectives dans les prochaines années.
Légende photo : Se poser au bistrot, ouvrir son laptop et travailler quelques heures avant de partir en balade ou après une journée de ski… Une habitude encore timide dans la région de Crans-Montana. © Luciano Miglionico