Depuis 90 ans, il veille sur le Valais

Depuis 90 ans, il veille sur le Valais

Des goûts et des cultures

Depuis 90 ans, il veille sur le Valais

Véritable emblème à Lens, voire au-delà, le Christ-Roi attire promeneurs, sportifs et croyants depuis près d’un siècle. Retour sur l’histoire de ce monument visible de jour comme de nuit, construit à une époque troublée grâce à la détermination d’un chanoine.

Nous sommes le 22 septembre 1935. Une foule inhabituelle se presse sur la colline du Châtelard. Plus de 4000 personnes sont venues des quatre coins du Valais, dont Mgr Ernest Bieler, évêque de Sion, des membres du clergé et des autorités politiques du Canton. Tous participent à la bénédiction de la statue du Christ-Roi, achevée après deux ans de travaux.

« La journée se déroule dans une grande solennité », rapporte le chanoine Lucien Quaglia dans son ouvrage Le Mont de Lens. Un tel déploiement indique déjà que l’édifice n’a pas vocation à rester inaperçu.

Et pour cause : haute de 30 mètres, en incluant le socle qui en fait 15, cette statue monumentale domine une colline s’avançant comme un promontoire sur la vallée du Rhône, à une altitude de 1250 mètres. Difficile de ne pas l’apercevoir pour qui arpente le Valais central !

Le lieu est singulier, et alimente depuis longtemps l’imaginaire religieux. En 1908, le poète valaisan Ramuz, en séjour à Lens, compare la colline du Châtelard à « un véritable Golgotha ». Au XIXe siècle, un pieux paroissien de Lens, Benoît Bagnoud, projette d’y construire un chemin de croix. Son rêve se concrétise grâce à son petit-fils, François Bagnoud, alors président de Lens. Le 4 juin 1933, les 14 stations, encore existantes, sont bénies.

TÉNACITÉ RÉCOMPENSÉE

Le projet de statue germe quant à lui dans l’esprit du chanoine Pierre Gard, prieur de la paroisse de Lens de 1901 à 1939. Dès 1931, il pense à ériger une statue du Christ-Roi en vue du 19e centenaire de la Rédemption – c’est-à-dire de la mort et de la résurrection du Christ – prévu en 1933.

Quelques années plus tôt, en 1925, le pape Pie XI a institué la fête du Christ-Roi au sein de l’Église catholique, afin d’affirmer la royauté du Christ, dans un contexte d’entre-deux-guerres. Le pape italien exprime son souhait de « ramener et consolider la paix ».

Le prieur Gard ouvre une souscription dans le Bulletin paroissial, mais les dons sont insuffisants. Loin de se décourager, le prêtre atteint un public plus large grâce à la presse valaisanne, avec l’accord de l’évêque de Sion. Les donations affluent – près de 35 000 francs –, si bien
que la hauteur finale du monument peut être doublée !

UN LIEU OUVERT À TOUS

La construction de la statue, conçue par l’architecte Louis Gard à Martigny, est alors confiée à des entreprises valaisannes. Des plaques de cuivre modelées, venues d’Italie, sont ajustées sur l'ossature métallique, et le socle de pierre est construit par les frères Barras de Chermignon. Dans cette base, on aménage une chapelle.

Aux yeux du père Pablo Pico, actuel curé de Lens, l’importance du Christ-Roi a certainement influencé l’esprit du chanoine de l’époque. Mais difficile d’affirmer qu’il s’agissait d’une réponse au contexte politique des années 1930, marqué par la montée des nationalismes dans les pays voisins.

Ce projet avait d’abord pour but d’entretenir la piété locale »

abonde Jean-Daniel Emery, carillonneur et ancien président du Conseil de gestion de la paroisse de Lens.

Neuf décennies plus tard, quel rôle pour le Christ-Roi ? « Tout dépend dans quel esprit on vient », note Jean-Daniel Emery. De la simple balade pour profiter d’un panorama exceptionnel à la course de l’Ascension du Christ-Roi, à l’automne, en passant par la démarche spirituelle, les motivations varient. « Le but est aussi de cheminer intérieurement », d’après le père Pico.

TOURNAGE DE TSCHUGGER

Ce beau décor a même pu servir au tournage de la saison 2 de la série suisse Tschugger. « Mais le Christ-Roi reste avant tout un sanctuaire et doit être protégé comme tel », souligne Jean-Daniel Emery. Des messes continuent d’y être célébrées, comme à l’Ascension ou les vendredis d’été.

Ce monument emblématique demande aussi un entretien régulier. En 1985, pour ses 50 ans, sa couronne oxydée est remplacée, son revêtement assaini, et l’eau potable est acheminée jusqu’à l’esplanade. De quoi l’emmener dignement vers son centenaire,
dans dix ans seulement. 

Légende photo : Si la Baie de Rio a son Christ Rédempteur, le valais peut être fier de « son » Christ-Roi, phare de pierre sur la vallée du Rhône. © Lucciano Miglionico

  1. Un air de lourdes
    Un air de lourdes

    Avant la dernière montée vers la statue se trouve une grotte dédiée à la Vierge Marie. Elle a été construite d’après le souhait d’un paroissien de Lens, également hospitalier de Lourdes, dans les années 1960. Des bénévoles continuent de fleurir ce lieu de méditation.

  2. L’homme du paratonnerre
    L’homme du paratonnerre

    Lorsqu’il était président du Conseil de gestion de la paroisse de Lens, Jean-Daniel Emery a fait remplacer le paratonnerre installé peu après la construction de la statue, qui était peu efficace. La foudre passait dans la chapelle et pouvait perforer une chasuble laissée au mur !

  3. Un squelette métallique
    Un squelette métallique

    À l’intérieur de la statue du Christ-Roi, un assemblage en métal soutient l’édifice, et une maigre échelle permet de s’aventurer jusqu’en haut. Un jour, une personne a demandé de descendre en rappel la statue, mais pareille entreprise n’est pas autorisée.

le christ-roi multiple



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